Les deux types de stratégie selon Mintzberg : délimitation et compréhension

Une stratégie ne suit pas toujours la trajectoire prévue par ses concepteurs. Certaines organisations revendiquent des orientations claires, mais leur comportement effectif diffère sensiblement des plans annoncés. D’autres semblent improviser, tout en affichant une remarquable cohérence dans la durée.

Henry Mintzberg distingue deux voies majeures pour comprendre ce phénomène : l’une s’attache à la conception, l’autre à la découverte progressive des choix réels. Ce double regard remet en question les certitudes établies sur la planification et le pilotage des entreprises, en révélant l’écart entre intention initiale et réalité observée.

Le rôle du plan stratégique dans la communication d’entreprise : pourquoi est-il si déterminant ?

Le plan stratégique occupe une place à part dans la boîte à outils du management. Bien plus qu’un simple document de travail, il façonne la communication, fédère autour d’un cap et rassure autant les actionnaires que les collaborateurs. Afficher un plan limpide, c’est revendiquer des choix, exposer une ambition, donner à voir une direction commune à l’organisation. Ce n’est pas une posture, mais un signal fort : à l’intérieur, il donne de l’élan et oriente ; à l’extérieur, il assoit la crédibilité auprès du marché, des investisseurs, des partenaires institutionnels.

La pertinence du plan stratégique découle en grande partie de son association avec des outils d’analyse stratégique solides. Pour mieux comprendre, voici quelques cadres fréquemment mobilisés :

  • SWOT pour identifier forces et faiblesses internes, ainsi que les opportunités et menaces du contexte
  • PESTLE pour décrypter les facteurs macro-environnementaux
  • Diamant de Porter pour analyser la pression concurrentielle
  • Cultural Web et modèle culturel de Deal et Kennedy pour décoder la culture d’entreprise

Ce recours aux outils ne relève pas du simple effet de mode : il s’agit d’ancrer le propos dans des faits, de donner du corps à la démarche. Mintzberg, justement, nous rappelle que le plan n’est qu’un des cinq “P” de la stratégie, aux côtés du Stratagème, du Modèle, de la Position et de la Perspective. Réduire la stratégie à un plan, c’est prendre le risque de regarder la réalité par le petit bout de la lorgnette : la stratégie peut être forgée de façon réfléchie par la direction, ou bien émerger du terrain, des habitudes, des interactions imprévues. La communication ne doit pas servir de paravent à ce décalage.

Publier un chapitre de livre ou une note de synthèse ne suffit pas : seule compte la cohérence entre ce qui est affiché et ce qui se vit réellement dans l’organisation. Le plan éclaire les priorités, il ne garantit ni le chemin ni le résultat. Il trace une ligne, il ne scelle pas le destin.

Stratégies de délimitation et de compréhension selon Mintzberg : quelles différences fondamentales ?

Henry Mintzberg, figure de proue du management, propose une lecture stratégique articulée autour des fameux 5P : plan, stratagème, modèle, position, perspective. Mais derrière cette classification, deux approches coexistent : la délimitation et la compréhension.

D’abord, la stratégie de délimitation : ici, il s’agit de dessiner un périmètre, de fixer des limites. Les dirigeants élaborent leur plan, fixent objectifs et priorités, mobilisent des outils d’analyse, du SWOT à PESTLE. Ce processus est réfléchi, structuré, mû par la volonté de maîtrise. Il relève d’une logique de stratégie délibérée : on cherche à anticiper, à organiser, à orienter l’avenir. Le plan devient alors la colonne vertébrale de l’action, le canevas sur lequel s’alignent ressources et décisions.

Face à cette logique, la stratégie de compréhension adopte une posture radicalement différente. Elle consiste à observer, à détecter les signaux faibles, à décrypter les mécanismes qui émergent sans avoir été décidés à l’avance. Le pouvoir n’appartient plus seulement à la direction ; c’est toute l’organisation qui apprend, ajuste, s’adapte. Mintzberg parle alors de stratégie émergente : elle se construit dans l’action, dans les retours d’expérience, dans l’expérimentation quotidienne.

Dans les faits, ces deux logiques avancent rarement séparément. Le véritable enjeu du management stratégique tient à ce subtil équilibre : savoir articuler la rigueur du plan et la souplesse de l’apprentissage collectif, sans se contenter d’afficher des intentions.

Groupe diversifié étudiant un plan architectural en équipe

Business model et management stratégique : comment articuler planification et adaptation au sein des organisations ?

Au sein des entreprises, la tension entre planification et adaptation trace la ligne de partage des trajectoires. Mintzberg le souligne : l’architecture organisationnelle s’articule autour de six composantes, sommet stratégique, ligne hiérarchique, centre opérationnel, technostructure, support logistique, idéologie. Loin d’être immuable, cette configuration s’ajuste en fonction des choix stratégiques et du contexte.

Selon la structure, tout ne se joue pas de la même façon. Pour s’y retrouver, voici les grandes familles :

  • L’entreprise entrepreneuriale privilégie la supervision directe, la réactivité et l’initiative individuelle
  • La structure mécaniste s’appuie sur la standardisation des tâches, la formalisation et la stabilité
  • La structure professionnelle mise sur la standardisation des compétences et l’expertise métier
  • La divisionnalisation organise les activités en unités semi-autonomes, chacune pilotant son marché
  • L’adhocratie encourage l’ajustement mutuel, la transversalité et l’expérimentation

Deux dynamiques traversent alors la stratégie :

  • La stratégie délibérée s’appuie sur des outils comme SWOT, PESTLE ou le Diamant de Porter. Elle structure le business model, clarifie la proposition de valeur, cible les segments et répartit les ressources.
  • La stratégie émergente prend forme à partir des routines, des interactions, de l’apprentissage continu. Certaines entreprises, à l’image de 3M, en font un moteur d’innovation et de renouvellement.

Un point mérite toute l’attention : la dépendance de sentier, ou la force de l’histoire et des habitudes. Cette inertie peut mener à la dérive stratégique si le business model ne s’ajuste pas. Des entreprises comme IBM, Nortel ou RIM l’ont expérimenté à leurs dépens. La capacité à combiner planification structurée et adaptation permanente trace la frontière entre réussite et stagnation. Face à l’imprévu, mieux vaut savoir allier vision et agilité.

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